Organiste: un métier
Qui n'a jamais
rêvé de maîtriser ce grand instrument caché
dans la pénombre des cathédrales ?
Il est vrai que cet instrument a quelque chose d'étonnant.
Pourtant, derrière toute cette puissance, se cache bien
souvent un homme ou une femme pour qui la vie n'est pas facile tous
les jours.
Commencer une carrière de musicien relève la plupart du
temps du coup de folie. Pourtant, que l'on soit violoniste,
tromboniste ou pianiste, on a des chances de pouvoir au moins
travailler son instrument de temps en temps ! C'est un
privilège accordé à très peu
d'organistes. En effet, à moins de se contenter du clavier de
son piano, en fermant bien fort les yeux pour s'imaginer être
à St Eustache, ou d'acquérir un orgue
électronique, il n'est pas question de jouer tous les jours
voire, pour la plupart, toutes les semaines.
Il est
évidemment très difficile à ranger ce diable
d'instrument. Pour bien "sonner", il lui faut au moins une
église ! Aussi, les principaux orgues de France sont-ils
placés sous la responsabilité du clergé,
à quelques rares exceptions près. Bien souvent,
l'organiste amateur n'a accès à l'instrument qu'au
terme d'âpres négociations avec ce gardien jaloux, qui
lui octroie au mieux quelques heures dans la journée. Il
arrive même qu'on se livre à une forme de petit chantage
(qui n'avoue pas son nom). On laisse entendre à l'organiste
amateur que l'accès à l'instrument, inestimable
prérogative, suppose évidemment une petite contribution
"volontaire" aux cérémonies et aux offices. En
général, il faut dire que ces petits arrangements avec
le ciel, totalement anti-syndicaux, satisfont tout le monde.
L'organiste peut enfin jouer de son instrument, et le clergé
bénéficie d'une musique dont les accents ne sont pas
toujours célestes, mais cela fait longtemps que l'Eglise a
perdu l'usage de l'oreille, en passant du grégorien à
la guitare folk. C'est alors que l'organiste peut également
voir arriver à la tribune de vieilles dames venues lui
reprocher d'avoir fait "trop de bruit" durant l'office
liturgique.
Dans le cas d'un
musicien professionnel, qui souhaite devenir titulaire d'un orgue,
donc gagner sa vie en jouant, les choses sont un peu
différentes. En principe, il existe une carte professionnelle
depuis Juin 1968, qui tente de clarifier un peu la situation. Pour
bénéficier de cette carte "d'artiste musicien du
culte", et des tarifs établis par l'Evéché et le
syndicat, il faut passer un examen d'aptitude d'ailleurs pas la
liturgie dans ces principes, il ne sert d'ailleurs pas dans la
majorité des cas). A partir de là, un traitement est
garanti (à condition de fournir un travail régulier,
évidemment), le reste étant payé sous forme de
cachets dont le montant varie considérablement selon les
"zones apostoliques" et l'importance de la demande. Dans les grandes
villes, le montant des cachets est tout de même assez maigre.
Ce qui implique de se déplacer beaucoup, lorsqu'on a la chance
encore une fois, de vivre de sa musique.
Mais tout cela
concerne un nombre très restreint d'organistes. L'immense
majorité des amateurs et des bénévoles se
contente d'harmoniums et d'orgues électroniques. Et ne croyez
pas que le fait de bénéficier à proximité
de chez soi d'un orgue splendide, en parfait état de marche,
soit un avantage. Dans ce cas-là, seuls les
"spécialistes" ont le droit de poser les doigts sur les
magnifiques claviers. En général, les autres ont droit
à des instruments quelque peu vétustes, qui
émaillent le Cantabile de Franck (par exemple) de joyeux
"cornements" ou autres pannes et défaillances dont l'orgue
possède le secret. En résumé donc, peu
d'occasions de jouer, peu d'instruments accessibles, peu de lieux
comprenant un orgue à tuyaux, peu d'argent, peu d'orgues
réellement entretenus. Peu d'occasions aussi d'apprendre
à jouer. Les Conservatoires et Ecoles de Musique n'en sont pas
toujours pourvus. Et malgré tout cela, il y a tout de
même des gens qui veulent encore devenir organistes, me
direz-vous? Si vous posez cette question, c'est que vous n'avez
jamais essayé de faire "ronfler" ce "léviathan" de
cathédrale. Si misérable soit-il, si abimée soit
sa soufflerie, si électrifiée soit sa traction, il est
capable de vous procurer une joie si intense qui ne vous lâche
plus, une fois qu'on y a goûté. L'orgue vous prend, vous
pénètre et ne vous lâche plus .... merveilleux !
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